
J’ai l’échine élastique, assez pour réfléchir les coups et trop peu pour m’étirer vers lui, ainsi je fléchis mais n’ai guère rompu pour le moment. Je suis donc un roseau, appelez-moi phragmite australis. Ma condition de végétal fort apprécié en phytoépuration m’octroie la chance d’absorber des métaux lourds et du sel, autant vous dire qu’à force d’ingurgiter du plomb et de ravaler mes larmes, je coule comme un paquebot ayant percuté un iceberg. Je sombre donc, mais ne romps pas.
Ainsi, je me noie en février et peut-être qu’au printemps quelqu’un draguera l’océan pour me repêcher. Sur les bancs de sable je joncherais le sol comme un vulgaire solen, coquille vide sous le linceul des vagues. Une tombe de plus sous le ressac et si l’on vient y déposer des fleurs, elles partiront au gré des marées comme l’affection que j’ai porté et que l’on a disséminé ici et là. Il y a des champs plus colorés que ma prose, de jolis parterres de roses, mais moi, je n’en ai vu que les épines.
Dans l’hémoglobine, il y a le grenat qui rappelle ses lèvres.